Soumettre des informations supplémentaires
ID: DAW-000205-P/140112

Entretien avec le sculpteur Antoine Bourdell sur le monument Mickiewicz dans le magazine "World".

ID: DAW-000205-P/140112

Entretien avec le sculpteur Antoine Bourdell sur le monument Mickiewicz dans le magazine "World".

Le magazine World, 1929, n° 17, pp. 11-14 (domaine public, réimprimé d'après la Mazovian Digital Library) présente une conversation entre Edward Woroniecki et le sculpteur Antoine Bourdell à propos du monument Adam Mickiewicz qu'il a créé. Le monument a été inauguré le 29 avril 1929 sur la place d'Alma à Paris. Il est aujourd'hui situé dans un parc sur le Cours Albert Ier. L'interview est accompagnée de photographies détaillées du monument.

Une lecture modernisée du texte.

Interview d'A. Bourdell et caractérisation de son monument.

En fait, il n'y a pas de hasard dans la vie", m'a dit A. Bourdelle.
Sans que nous le sachions, une force mystérieuse nous dirige, travaillant à ses fins cachées".

Le noble visage du grand sculpteur, aux traits forts et doux, entouré d'une couronne argentée de barbe courte, était compacté par une expression de concentration, de réflexion.
- J'étais un jeune sculpteur en herbe. Vingt-cinq ans ! - En y réfléchissant bien. La veuve de J. Michelet, une compatriote à moi puisqu'elle est aussi née à Montauban, m'a commandé un médaillon en l'honneur de son mari. Nous sommes devenues amies et pendant douze ans, elle a été une seconde mère pour moi. Elle me parlait sans cesse de la Pologne, de Kościuszko, et surtout de Mickiewicz, pour lequel elle gardait une véritable vénération. Son enthousiasme pour la cause polonaise et sa foi inébranlable étaient complètement ancrés en moi. J'avais parfois l'impression que le barde polonais me parlait du bout des lèvres.
- Je n'ai pas besoin de vous dire avec quelle joie j'ai accepté la commande du comité franco-polonais pour le monument. Elle comprenait Br. Le Blondes, Rośny-aîné, Menabrea, Dr Nicaise, W. Mickiewicz, K. Woźnicki, etc. Il faut souligner que l'initiative est venue du côté français. C'était en 1909, et comme une révélation soudaine, l'idée m'est venue : je présenterais le poète comme un pèlerin, parcourant le monde avec le slogan de la Justice et de la Liberté du Peuple. Cette idée a surpris de nombreux Polonais, mais elle a fini par convaincre tout le monde. Je me souviens d'une lettre touchante que j'ai reçue à l'époque d'un groupe d'étudiants polonais à Vienne...
- En vérité, je pense parfois que le destin a guidé ma main lorsque j'ai travaillé sur le mémorial. Même à l'époque, à quelques détails près, l'ensemble a été créé sous la même forme qu'aujourd'hui. À la différence près qu'à l'origine, je voulais placer le Pégase de la poésie au sommet de la colonne. Je l'ai rapidement remplacé par le Génie de la Défense nationale. Mais j'ai immédiatement placé les figures des trois partitions - une Pologne unie et libre - sur le socle. Ce n'était pas seulement un pressentiment, c'était un acte de foi profonde et de conviction dans l'accomplissement des paroles du poète. Je ne m'attarderai pas sur le cœur et les sentiments que j'y ai mis, sur les efforts que j'ai déployés et sur le meilleur de moi-même. Je considère ce monument comme l'une des œuvres les plus fondamentales de ma vie. C'était pour moi personnellement une sorte de commandement sacré du cœur. C'est peut-être ici que j'ai exprimé le plus profondément tout le lyrisme de mon esprit. Je ne serais pas capable de refaire un effort semblable, de revivre cet état de tension et d'enthousiasme avec lequel j'ai travaillé sur Mickiewicz.

Bourdelle se plongea dans une rêverie. Je restai silencieux, regardant avec émotion ce magnifique vieillard qui, du fond de l'inspiration, avait fait naître ce monument extraordinaire, le seul vraiment digne de notre Barde.
- Et vous savez, il a repris avec vivacité. - J'avais prévu la guerre et je savais qu'elle se terminerait par le triomphe de la France et la libération de la Pologne. Je n'ai pas perdu cette confiance un seul instant. Qu'il me suffise de vous dire qu'à l'époque du bombardement de Paris par une grosse Bertha, pendant les plus dangereuses défaites des Alliés - j'ai travaillé par tous les temps - sur le Génie de la Défense nationale du monument... Une fois, j'ai seulement supposé - sourit Bourdelle - que je le paierais de ma vie. En l'achevant, vos compatriotes m'ont tellement pressé que, malade, j'ai dû tailler dix figures pour le piédestal en deux mois. Et en même temps, j'ai dû mener une bataille acharnée pour la place de l'Alma, qu'ils ne voulaient pas me céder... Oui ! je crois que l'inauguration du monument sera un véritable triomphe pour le Poète et pour la Pologne...
- Et le vôtre - j'ai ajouté du fond du cœur.

Analysons maintenant comment se présente la construction du monument.

Sur un double socle bas en blocs de granit rouge poli de Bourgogne s'élève une colonne massive. Elle est flanquée en bas d'une série de 10 personnages, pour la plupart inspirés de l'œuvre de Mickiewicz : Aldona, Balban, Konrad Wallenrod, Amour de la patrie ("Dziady"), Esclaves ("Les livres de pèlerinage"). Ils sont tous surplombés par un groupe de trois Polonais (des Partitions), unis dans une étreinte fraternelle. Sous chaque figure se trouve une citation correspondante sur l'un des plans tronqués du socle. Sous les trois Polonais, la superscription de l'arrangement de Bourdelle indique : "Réassemblées les trois âmes de la Pologne songent vers Mickiewicz, prophète de la délivrance".

Plus haut encore, sur un chapiteau très simplifié, l'imposante figure du Poète en manteau fluide, un bâton de pèlerin dans la main droite, fait signe d'un geste impérieux à l'humanité qui se trouve derrière lui - sur le chemin d'un avenir radieux.

L'artiste a voulu graver dans le bronze la gigantesque bouffée de l'esprit du barde. C'est pourquoi il a choisi la forme d'une colonne, s'élançant du sol, mais non liée à lui par le poids d'un socle massif. Cette ascension est marquée par une étrange intuition, d'abord par les têtes des trois Polonais tournées vers Mickiewicz, ensuite par la projection des ailes et des bras du Génie portant une épée, enfin par la figure élancée du Poète et sa main levée vers le ciel. Cette gradation, brillamment exécutée, lie la composition par un lien impressionnant d'unité d'idée et de réalisation artistique.

L'idée présentait des difficultés architecturales extraordinaires, que l'artiste a surmontées grâce à sa technique magistrale. L'habile répartition du poids et la chaîne de figures entourant la partie inférieure de la colonne la fixent solidement sur le piédestal. Pour contrebalancer la masse de bronze du Génie, l'artiste a incliné ses ailes vers l'arrière et ajouté une tribune de l'autre côté du fût. L'ensemble est ainsi parfaitement équilibré et solide.

Contrairement à son grand prédécesseur Rude, auteur de la célèbre Marseillaise de l'Arc de Triomphe à l'Etoile, qui s'appuyait sur une observation réaliste de la vie, Bourdelle suit une voie qui lui est propre. Il ne se préoccupe pas de la fidélité matérielle des composantes de l'œuvre. Il aborde plutôt une synthèse austère de la sculpture romane. Au rythme de masses et de masses puissantes, il construit des ensembles régis par l'harmonie d'une forme purement sculpturale. Il parvient ainsi à une synthèse concise, avec une expression d'une rare intensité dans sa simplicité.

Le monument à Adam Mickiewicz est un chef-d'œuvre. C'est un magnifique hommage d'un génie français au Polonais Hanger. Le monument de Bourdelle témoigne de la fraternité historique de deux grandes nations, unies dans l'amour de l'idéal du service actif de l'Humanité et de la Liberté des Peuples, qu'Adam Mickiewicz représentait le plus noblement.

Related persons:

Time of construction:

avant 1914

Publication:

06.10.2023

Last updated:

23.04.2025
voir plus Texte traduit automatiquement

Pièces jointes

1
  • Entretien avec le sculpteur Antoine Bourdell sur le monument Mickiewicz Afficher

Projets connexes

1
  • Polonika przed laty Afficher